Daniel Pennac était l'invité du dernier Bal à la Page organisé par Les Livreurs. Il a lui-même lu sur scène quelques extraits de son dernier livre, Le cas Malaussène (Gallimard). Une jubilation du texte, un partage avec le public. Ecrire, dire, entendre... L'écrivain tourne comme un chat autour de son récit. Et nous, autour de lui. Interview.
Daniel Pennac aime les livres, les histoires et les mots. Inlassable conteur, il goûte les récits qui donnent vie à des personnages et qui entraînent le lecteur dans un bonheur à la fraîcheur adolescente. Au point qu'on ne sait plus si le réel a commencé avant le livre ou si le livre a fait naître un réel par-delà les pages. Ainsi de sa famille Malaussène, qu'on suit de tome en tome, et qui ne cesse de nous plonger dans la vie de personnages, que l'on voit grandir et à côté desquels, nous aussi, nous nous transformons.
Le cas Malaussène, c'est l'histoire d'une famille....
Dans le dernier opus des aventures, Le cas Malaussène (Gallimard), c'est Benjamin qui en parle le mieux: « Ma plus jeune sœur Verdun est née toute hurlante dans La Fée Carabine, mon neveu C’Est Un Ange est né orphelin dans La petite marchande de prose, mon fils Monsieur Malaussène est né de deux mères dans le roman qui porte son nom, ma nièce Maracuja est née de deux pères dans Aux fruits de la passion. Les voici adultes dans un monde on ne peut plus explosif, où ça mitraille à tout va, où l’on kidnappe l’affairiste Georges Lapietà, où Police et Justice marchent la main dans la main sans perdre une occasion de se faire des croche-pieds, où la Reine Zabo, éditrice avisée, règne sur un cheptel d’écrivains addicts à la vérité vraie quand tout le monde ment à tout le monde. Tout le monde sauf moi, bien sûr. Moi, pour ne pas changer, je morfle. » Qu'on se rassure, seul Benjamin "morfle". Le lecteur, lui en redemande. D'où vient ce plaisir que l'auteur partage avec ses nombreux fans ?
Nous rencontrons Daniel Pennac juste avant qu'il n'entre sur la scène du Bal à la Page, manifestation désormais récurrente organisée par Les Livreurs, spectacle jubilatoire qui mélange lectures sur scène, musique et danse. L'auteur ne semble pas saisi par le trac. Il sait qu'il va parler à un public conquis. Et il connaît son texte du fond de son coeur.
Pourquoi avez-vous choisi d'être le parrain du Bal à la Page ?
Daniel Pennac : J'ai toujours été militant pour la lecture à voix haute ! Lors du 1er Bal à la Page, il y a quelques années, j'étais venu écouter les textes de Pierre Jourde. J'ai été conquis. Je suis ravi de soutenir cette manifestation qui donne envie de lire ! Entendre un texte, c'est le découvrir d'une manière tellement "vivante"...
Pourquoi avoir choisi de lire vous-même vos textes sur scène ?
D.P. : J'ai pris goût à lire mes textes en dialogue avec la musique de Karol Beffa. C'est ainsi que j'ai commencé à lire moi-même. Mélodie et musique des mots. Dire un texte, c'est une autre manière de le partager.
Vous poursuivez la saga Malaussène dans votre dernier livre. Pourquoi y être revenu ?
D.P. : J'avais envie de retrouver le ton, de m'amuser avec eux encore une fois. C'est une tribu qui m'a accompagné depuis tant d'années : les Malaussène sont devenus un peu ma famille !
Diriez-vous que les membres de cette famille mouvementée sont en quelque sorte devenus réels ?
D.P. : Ces personnages sont une pure création romanesque. Mais au fil des livres, oui, ils ont développé une vie. Les lecteurs s'adresssent à eux comme à de vraies personnes. Et pour moi, le glissement entre "personnages" et "personnes" s'est opéré naturellement. Qu'est-ce qui est réel finalement ? Leur "existence" l'est en tous cas.
Le miroir du réel. N'est-ce pas le rêve d'un écrivain de voir ses créatures romanesques traverser le miroir du réel ?
D.P. : Non je ne dirais pas cela. Le rêve d'un écrivain, c'est d'écrire ! Ce qui se passe après ne lui appartient pas.
Parfois le livre lui-même dépasse même le destin de l'écrivain. Comme dans le cas de John Kennedy Toole, auteur du mythique La conjuration des imbéciles que vous considérez comme un de vos favoris ?
D.P. : Le héros de La conjuration, c'est une sorte de Don Quichotte à l'heure de la psychanalyse. Je lui avais consacré une partie de la dédicace de La petite marchnade prose : "A la mémoire de John Kennedy Toole, mort de n'avoir pas été lu, et de Vassili Grossman, mort de l'avoir été." Et pourtant quelques années après, son livre a été publié et il a obtenu le Prix Pulitzer. Le destin des écrivains rejoint parfois aussi celui de leurs créatures...
Le texte lu prend-il une autre dimension selon vous ?
D.P. : Un critique a parlé de "littérature de tréteaux" à mon sujet. Je ne crois pas que pour lui il s'agissait d'un compliment ! Pour moi au contraire c'en est un : je revendique tout à fait de faire de la littérature de tréteaux. C'est formidable. Quelle belle dimension. Ecrire des textes qui passent le test des feux de la rampe...
Est-ce aussi pourquoi vous aimez écrire pour la jeunesse ?
D.P. : Jeunes ou adultes... Peu m'importe. J'écris de la même manière. Le désir d'écriture se projette dans la vie. Et ensuite la vie s'empare du texte. C'est un mouvement continu.
La France sera l'invitée du prochain festival de Francfort. Vous qui êtes traduit en plus de 20 langues, vous réjouissez-vous de cette présence internationale ?
D.P. : Je n'ai pas d'opinion. Je suis heureux d'être traduit en de nombreuses langues. Heureux que la littérature française existe dans le monde. Mais je suis heureux aussi que chez nous, la littérature étrangère soit traduite et aimée. Nous accueillons beaucoup de textes du monde entier. Cela est le signe que dans notre pays, les livres représentent un point de rencontre par delà les frontières et les murs.
Olivia PHÉLIP
Daniel Pennac aime les livres, les histoires et les mots. Inlassable conteur, il goûte les récits qui donnent vie à des personnages et qui entraînent le lecteur dans un bonheur à la fraîcheur adolescente. Au point qu'on ne sait plus si le réel a commencé avant le livre ou si le livre a fait naître un réel par-delà les pages. Ainsi de sa famille Malaussène, qu'on suit de tome en tome, et qui ne cesse de nous plonger dans la vie de personnages, que l'on voit grandir et à côté desquels, nous aussi, nous nous transformons.
Le cas Malaussène, c'est l'histoire d'une famille....
Dans le dernier opus des aventures, Le cas Malaussène (Gallimard), c'est Benjamin qui en parle le mieux: « Ma plus jeune sœur Verdun est née toute hurlante dans La Fée Carabine, mon neveu C’Est Un Ange est né orphelin dans La petite marchande de prose, mon fils Monsieur Malaussène est né de deux mères dans le roman qui porte son nom, ma nièce Maracuja est née de deux pères dans Aux fruits de la passion. Les voici adultes dans un monde on ne peut plus explosif, où ça mitraille à tout va, où l’on kidnappe l’affairiste Georges Lapietà, où Police et Justice marchent la main dans la main sans perdre une occasion de se faire des croche-pieds, où la Reine Zabo, éditrice avisée, règne sur un cheptel d’écrivains addicts à la vérité vraie quand tout le monde ment à tout le monde. Tout le monde sauf moi, bien sûr. Moi, pour ne pas changer, je morfle. » Qu'on se rassure, seul Benjamin "morfle". Le lecteur, lui en redemande. D'où vient ce plaisir que l'auteur partage avec ses nombreux fans ?
Nous rencontrons Daniel Pennac juste avant qu'il n'entre sur la scène du Bal à la Page, manifestation désormais récurrente organisée par Les Livreurs, spectacle jubilatoire qui mélange lectures sur scène, musique et danse. L'auteur ne semble pas saisi par le trac. Il sait qu'il va parler à un public conquis. Et il connaît son texte du fond de son coeur.
Pourquoi avez-vous choisi d'être le parrain du Bal à la Page ?
Daniel Pennac : J'ai toujours été militant pour la lecture à voix haute ! Lors du 1er Bal à la Page, il y a quelques années, j'étais venu écouter les textes de Pierre Jourde. J'ai été conquis. Je suis ravi de soutenir cette manifestation qui donne envie de lire ! Entendre un texte, c'est le découvrir d'une manière tellement "vivante"...
Pourquoi avoir choisi de lire vous-même vos textes sur scène ?
D.P. : J'ai pris goût à lire mes textes en dialogue avec la musique de Karol Beffa. C'est ainsi que j'ai commencé à lire moi-même. Mélodie et musique des mots. Dire un texte, c'est une autre manière de le partager.
Vous poursuivez la saga Malaussène dans votre dernier livre. Pourquoi y être revenu ?
D.P. : J'avais envie de retrouver le ton, de m'amuser avec eux encore une fois. C'est une tribu qui m'a accompagné depuis tant d'années : les Malaussène sont devenus un peu ma famille !
Diriez-vous que les membres de cette famille mouvementée sont en quelque sorte devenus réels ?
D.P. : Ces personnages sont une pure création romanesque. Mais au fil des livres, oui, ils ont développé une vie. Les lecteurs s'adresssent à eux comme à de vraies personnes. Et pour moi, le glissement entre "personnages" et "personnes" s'est opéré naturellement. Qu'est-ce qui est réel finalement ? Leur "existence" l'est en tous cas.
Le miroir du réel. N'est-ce pas le rêve d'un écrivain de voir ses créatures romanesques traverser le miroir du réel ?
D.P. : Non je ne dirais pas cela. Le rêve d'un écrivain, c'est d'écrire ! Ce qui se passe après ne lui appartient pas.
Parfois le livre lui-même dépasse même le destin de l'écrivain. Comme dans le cas de John Kennedy Toole, auteur du mythique La conjuration des imbéciles que vous considérez comme un de vos favoris ?
D.P. : Le héros de La conjuration, c'est une sorte de Don Quichotte à l'heure de la psychanalyse. Je lui avais consacré une partie de la dédicace de La petite marchnade prose : "A la mémoire de John Kennedy Toole, mort de n'avoir pas été lu, et de Vassili Grossman, mort de l'avoir été." Et pourtant quelques années après, son livre a été publié et il a obtenu le Prix Pulitzer. Le destin des écrivains rejoint parfois aussi celui de leurs créatures...
Le texte lu prend-il une autre dimension selon vous ?
D.P. : Un critique a parlé de "littérature de tréteaux" à mon sujet. Je ne crois pas que pour lui il s'agissait d'un compliment ! Pour moi au contraire c'en est un : je revendique tout à fait de faire de la littérature de tréteaux. C'est formidable. Quelle belle dimension. Ecrire des textes qui passent le test des feux de la rampe...
Est-ce aussi pourquoi vous aimez écrire pour la jeunesse ?
D.P. : Jeunes ou adultes... Peu m'importe. J'écris de la même manière. Le désir d'écriture se projette dans la vie. Et ensuite la vie s'empare du texte. C'est un mouvement continu.
La France sera l'invitée du prochain festival de Francfort. Vous qui êtes traduit en plus de 20 langues, vous réjouissez-vous de cette présence internationale ?
D.P. : Je n'ai pas d'opinion. Je suis heureux d'être traduit en de nombreuses langues. Heureux que la littérature française existe dans le monde. Mais je suis heureux aussi que chez nous, la littérature étrangère soit traduite et aimée. Nous accueillons beaucoup de textes du monde entier. Cela est le signe que dans notre pays, les livres représentent un point de rencontre par delà les frontières et les murs.
Olivia PHÉLIP